Le peuple égyptien, réputé pour son pacifisme et son hospitalité, est conscient des dangers qu’une aggravation de la situation politique ferait courir à son tourisme - DR : TourMaG.com
TourMaG.com - On entend souvent dire que Le Caire et Alexandrie sont à déconseiller. Qu’en pensez-vous ?
Alexandre Adler : "Le peuple égyptien est réputé pour son pacifisme et son hospitalité.
Il est aussi connu pour son bon sens. Ce qui le rend conscient des dangers qu’une aggravation de la situation politique ferait courir à son tourisme, en particulier dans des endroits comme Louxor, ou bien à Hurghada et sur la côte purement égyptienne de la Mer Rouge.
Je vous rappelle d’ailleurs qu’il y a quelques années, après de graves attentats, la population s’était mobilisée pour aider la police à retrouver les terroristes.
Cela étant, certains endroits doivent susciter la prudence. Alexandrie, par exemple, car c’est une ville délaissée où le sentiment islamique est alimenté par la forte présence des Frères Musulmans et celles surtout des Salafistes.
Au Caire aussi, il y a effectivement des risques de provocations xénophobes dans la rue et le climat politique rend les choses plus délicates encore, en pesant sur la situation économique.
Sur le Canal de Suez comme dans le Sinaï, à l’intérieur des terres ou au bord de la Mer Rouge, à Sharm El Cheik notamment, la situation est aussi très instable, car les tribus bédouines, encore mal intégrées, profitent largement du relâchement de l’État.
Ces endroits là sont évidemment peu recommandables."
Alexandre Adler : "Le peuple égyptien est réputé pour son pacifisme et son hospitalité.
Il est aussi connu pour son bon sens. Ce qui le rend conscient des dangers qu’une aggravation de la situation politique ferait courir à son tourisme, en particulier dans des endroits comme Louxor, ou bien à Hurghada et sur la côte purement égyptienne de la Mer Rouge.
Je vous rappelle d’ailleurs qu’il y a quelques années, après de graves attentats, la population s’était mobilisée pour aider la police à retrouver les terroristes.
Cela étant, certains endroits doivent susciter la prudence. Alexandrie, par exemple, car c’est une ville délaissée où le sentiment islamique est alimenté par la forte présence des Frères Musulmans et celles surtout des Salafistes.
Au Caire aussi, il y a effectivement des risques de provocations xénophobes dans la rue et le climat politique rend les choses plus délicates encore, en pesant sur la situation économique.
Sur le Canal de Suez comme dans le Sinaï, à l’intérieur des terres ou au bord de la Mer Rouge, à Sharm El Cheik notamment, la situation est aussi très instable, car les tribus bédouines, encore mal intégrées, profitent largement du relâchement de l’État.
Ces endroits là sont évidemment peu recommandables."
Aucun des partis en présence n’a intérêt à l’anarchie
TourMaG.com - Comment voyez-vous l’Égypte évoluer au cours des 12 prochains mois ?
A. A. : "Ce seront des mois décisifs, mais on y verra bien mieux plus tôt que cela. Le processus électoral se déroule régulièrement et, même s’ils en sortent renforcés, les Frères Musulmans ne devraient pas faire trop de surenchère.
L’armée est convaincue qu’un compromis est nécessaire avec eux. Il se met d’ailleurs en place.
Nous devrions donc constater une certaine stabilisation car aucun des partis en présence n’a intérêt à l’anarchie.
Ceci étant, la situation internationale peut également créer de nouvelles tensions, notamment sur les frontières du pays en ayant alors un impact sur la situation politique interne du pays.
Pour ma part, je suis assez optimiste à moyen terme. Les TO ne feront pas courir de risques indus à leurs clients en les envoyant à Louxor ; cela sera même assez exceptionnel car on évite la foule habituelle…
Et puis n’oublions pas que l’Égypte reste un pays administré, avec une armée et une police qui fonctionnent."
A. A. : "Ce seront des mois décisifs, mais on y verra bien mieux plus tôt que cela. Le processus électoral se déroule régulièrement et, même s’ils en sortent renforcés, les Frères Musulmans ne devraient pas faire trop de surenchère.
L’armée est convaincue qu’un compromis est nécessaire avec eux. Il se met d’ailleurs en place.
Nous devrions donc constater une certaine stabilisation car aucun des partis en présence n’a intérêt à l’anarchie.
Ceci étant, la situation internationale peut également créer de nouvelles tensions, notamment sur les frontières du pays en ayant alors un impact sur la situation politique interne du pays.
Pour ma part, je suis assez optimiste à moyen terme. Les TO ne feront pas courir de risques indus à leurs clients en les envoyant à Louxor ; cela sera même assez exceptionnel car on évite la foule habituelle…
Et puis n’oublions pas que l’Égypte reste un pays administré, avec une armée et une police qui fonctionnent."
Nous sommes sur la crête de la vague islamiste
Alexandre Adler Photo Wikipedia
TourMaG.com - Avec ce qui se passe au Nigeria, avec l’affaire des Spa aux Maldives ou encore les violences récurrentes contre les Coptes, peut-on dire que l’islamisme est en pleine recrudescence ?
A. A. : "Au sortir du « Printemps arabe », nous sommes en fait sur la crête de la vague islamiste, mais il faut raison garder.
Au Maroc, par exemple, le parti musulman est au gouvernement, mais au parlement, il ne représente qu’une des trois composantes dont les forces s’équilibrent à peu près.
De plus, ils ne sont pas inconscients et connaissent le poids du tourisme dans l’économie du pays. Et le Roi veille.
En Tunisie, le président a certes reçu le responsable du Hamas, une visite très contestée, mais il a déploré, comme toute l’opposition laïque du pays, ses déclarations trop radicales.
Si l’ambiance n’est pas au mieux, la situation tunisienne reste pourtant contrôlable. Je n’étais pas au courant pour les Maldives, mais ça ne m’étonne pas vraiment, c’est un pays traditionnellement très intolérant.
Alors oui, nous vivons une vague d’Islamisme mais on va aussi vers la stabilisation de ce phénomène. Avec les pays du Golfe et l’Égypte, il y a aussi des problèmes, mais rien d’insurmontable."
A. A. : "Au sortir du « Printemps arabe », nous sommes en fait sur la crête de la vague islamiste, mais il faut raison garder.
Au Maroc, par exemple, le parti musulman est au gouvernement, mais au parlement, il ne représente qu’une des trois composantes dont les forces s’équilibrent à peu près.
De plus, ils ne sont pas inconscients et connaissent le poids du tourisme dans l’économie du pays. Et le Roi veille.
En Tunisie, le président a certes reçu le responsable du Hamas, une visite très contestée, mais il a déploré, comme toute l’opposition laïque du pays, ses déclarations trop radicales.
Si l’ambiance n’est pas au mieux, la situation tunisienne reste pourtant contrôlable. Je n’étais pas au courant pour les Maldives, mais ça ne m’étonne pas vraiment, c’est un pays traditionnellement très intolérant.
Alors oui, nous vivons une vague d’Islamisme mais on va aussi vers la stabilisation de ce phénomène. Avec les pays du Golfe et l’Égypte, il y a aussi des problèmes, mais rien d’insurmontable."
Une guerre civile entre Sunnites et Chiites
TourMaG.com - Pourtant, l’Iran ou la Syrie n’ont rien de rassurant ?
A. A. : "Ce sont des pays nettement moins touristiques et les troubles qu’on y connaît n’ont rien à voir avec le « printemps arabe ».
En Syrie, il y a bien un mouvement populaire, où les Sunnites et les Frères Musulmans sont très impliqués, mais il existe aussi un mouvement de soutien au gouvernement où l’on retrouve toutes les minorités du pays, les Alaouites, les Druzes ou les Chrétiens, qui savent très bien ce qui les attend si le gouvernement s’effondre : on est proche de la guerre civile.
Que Bachar El Hassad se retire et ça ne signifiera nullement la fin des troubles, bien au contraire ; les Alaouites, par exemple, qui sont armées, se replieraient sur leur territoire…
Le plus probable, c’est que le gouvernement actuel garde le pouvoir et que la guerre continue.
D’autant plus qu’entre les Sunnites et les différentes minorités, il n’y a aucun sentiment de liens patriotiques. La segmentation religieuse est trop prégnante.
En réalité, comme en Irak, les troubles qu’on observe en Syrie sont encore un moment de la guerre civile entre l’Arabie Saoudite, leader des Sunnites, et l’Iran, porte-parole des Chiites.
Ici, le Printemps arabe » tourne à la confrontation religieuse, contrairement au Maghreb où la religion fragmente moins la société.
Le Yémen, quant à lui, doit plutôt être comparé à l’Afghanistan, pays tout aussi montagneux, anarchique et archaïque, dont la capitale contrôle aussi peu le reste du pays."
A. A. : "Ce sont des pays nettement moins touristiques et les troubles qu’on y connaît n’ont rien à voir avec le « printemps arabe ».
En Syrie, il y a bien un mouvement populaire, où les Sunnites et les Frères Musulmans sont très impliqués, mais il existe aussi un mouvement de soutien au gouvernement où l’on retrouve toutes les minorités du pays, les Alaouites, les Druzes ou les Chrétiens, qui savent très bien ce qui les attend si le gouvernement s’effondre : on est proche de la guerre civile.
Que Bachar El Hassad se retire et ça ne signifiera nullement la fin des troubles, bien au contraire ; les Alaouites, par exemple, qui sont armées, se replieraient sur leur territoire…
Le plus probable, c’est que le gouvernement actuel garde le pouvoir et que la guerre continue.
D’autant plus qu’entre les Sunnites et les différentes minorités, il n’y a aucun sentiment de liens patriotiques. La segmentation religieuse est trop prégnante.
En réalité, comme en Irak, les troubles qu’on observe en Syrie sont encore un moment de la guerre civile entre l’Arabie Saoudite, leader des Sunnites, et l’Iran, porte-parole des Chiites.
Ici, le Printemps arabe » tourne à la confrontation religieuse, contrairement au Maghreb où la religion fragmente moins la société.
Le Yémen, quant à lui, doit plutôt être comparé à l’Afghanistan, pays tout aussi montagneux, anarchique et archaïque, dont la capitale contrôle aussi peu le reste du pays."
La Turquie entre en récession
TourMaG.com - Pour revenir à l’Égypte, elle a de gros problèmes de devises. Que doivent en penser les professionnels du tourisme ?
A. A. : "L’Égypte importe énormément, elle est donc structurellement déficitaire et ne retrouve un peu d’équilibre que par le Canal de Suez et le tourisme, premier secteur économique du pays et gros apporteur de devises justement.
S’il stagne, ce qui paraît inévitable, il y a un gros risque de dévaluation, ce qui s’ajoutera au problème démographique.
La population égyptienne va vers les 100 M d’habitants, sans augmentation équivalente de la productivité, avec une agriculture épuisée et pas d’emplois.
Les gens formés, les Chrétiens en particulier, s’expatrient et le potentiel de radicalisation des populations augmente. À priori, ni les Américains, ni les Européens ne laisseront le pays s’effondrer. De même que l’Arabie Saoudite, car le Royaume préfère une politique modéré pour l’Égypte."
TourMaG.com - Un dernier mot, à propos de la Turquie ?
A. A. : "Elle a eu un grand vertige de puissance depuis deux ou trois ans, mais les choses se sont compliquées…
Elle entre en récession et elle réalise désormais le poids de l’Europe dans ses exportations. Elle se sent donc un peu contrainte et adopte désormais un profil plus bas."
A. A. : "L’Égypte importe énormément, elle est donc structurellement déficitaire et ne retrouve un peu d’équilibre que par le Canal de Suez et le tourisme, premier secteur économique du pays et gros apporteur de devises justement.
S’il stagne, ce qui paraît inévitable, il y a un gros risque de dévaluation, ce qui s’ajoutera au problème démographique.
La population égyptienne va vers les 100 M d’habitants, sans augmentation équivalente de la productivité, avec une agriculture épuisée et pas d’emplois.
Les gens formés, les Chrétiens en particulier, s’expatrient et le potentiel de radicalisation des populations augmente. À priori, ni les Américains, ni les Européens ne laisseront le pays s’effondrer. De même que l’Arabie Saoudite, car le Royaume préfère une politique modéré pour l’Égypte."
TourMaG.com - Un dernier mot, à propos de la Turquie ?
A. A. : "Elle a eu un grand vertige de puissance depuis deux ou trois ans, mais les choses se sont compliquées…
Elle entre en récession et elle réalise désormais le poids de l’Europe dans ses exportations. Elle se sent donc un peu contrainte et adopte désormais un profil plus bas."